La justice, rien que la justice et le droit !
J’ai été, bien entendu, bouleversé par la mort du jeune Nahel et j’adresse toutes mes condoléances à ses proches. La justice doit être faite et cet acte qui a enlevé la vie d’un jeune homme doit être sévèrement puni, parce qu’à travers ce policier, c’est toute une profession, qui est mise en cause.
Pour autant, gardons nous des généralisations faciles : Non les policiers ne sont pas tous des meurtriers, pas plus que les jeunes et les habitants des quartiers ne sont tous des délinquants… Et surtout, souvenons nous, que, au-delà de l’émotion légitime suscitée par ce drame, rien ne justifie les violences physiques à l’encontre des personnes. Rien ne justifie les pillages opportunistes, les mises à sac de magasins, les destructions de bâtiments publics, les incendies de voitures et les tirs de mortiers…
Ces actes stupides et irresponsables nous mettent en danger, car ce sont toujours les habitants des quartiers populaires qui sont les premières victimes de ces embrasements irresponsables. Je veux le dire ici, avec force : Nous, gens des quartiers, nous ne sommes pas dupes : Si la mort du jeune Nahel a été le déclencheur d’une colère compréhensible, ce qui est en train de se passer n’a plus rien à voir avec ce drame. Une fois de plus, nos cités sont prises en otage par des voyous, qui nous font vivre un enfer. Une fois de plus, nous devons nous terrer chez nous, interdire à nos adolescents de sortir, en priant pour que nos véhicules ne partent pas en fumée et en redoutant qu’un tir de mortier ne vienne enflammer notre immeuble.
Demain, nous n’aurons plus de commerce, plus de voiture, plus de bus, plus de médiathèque, nos enfants n’auront plus d’école. Comme des milliers de gens de quartier populaire, je suis un citoyen honnête, je travaille, je paye mes impôts, mes enfants bossent ou poursuivent leurs études. Nous ne sommes ni des assistés ni des délinquants. Nous aspirons, juste, comme tout le monde, à vivre normalement et en sécurité. Pourtant, demain, il faudra encore supporter la honte d’être montré du doigt, comme si chacune de nos familles abritait une armée de délinquants, comme si nous devions porter seuls sur nos épaules le poids de la dérive d’une partie de la jeunesse.
Qu’importe que nous soyons pourtant si nombreux, depuis des années, à alerter et à réclamer à corps et à cri plus de sécurité dans nos quartiers. Qu’importe que nous rêvions d’une vraie mixité sociale plutôt que d’être condamné à vivre dans des endroits où le seul projet se résume à entasser des populations qui se ressemble et à les laisser se débrouiller. Qu’importe… c’est nous qui serons désignés comme seuls responsables et devant notre télévision, nous écouterons, écœurés, les discours des politiques…Ceux-là même qui ont organisé depuis des années la ségrégation territoriale, supprimé la police de proximité, laissé s’installer des zones de non-droit par laxisme et par clientélisme et qui ont abandonnés nos territoires aux voyous. Demain, nous nous réveillerons sur un tas de cendre. J’aimerais que tous ceux qui sont responsables de ce désastre rendent des comptes : Les casseurs, les incendiaires, ceux qui n’ont pas su ou pas voulu les contenir, les vautours qui se délectent du chaos et ceux qui tentent de le récupérer, ceux qui ont allumé les mèches, ceux qui ont soufflé sur les braises mais aussi ceux qui, depuis des années, ont préparé par leur lâcheté et leur inaction les conditions de l’incendie.
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